"Sous influence", l'Afrique de Véronique Sternbaum, peintre médiumnique.

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II est facile d'imaginer la perplexité, voire l'inquiétude de leurs proches, lorsque les Lesage, Madge Gill, etc. leur déclarèrent pour la première fois: "Je vais commencer à peindre... Je vais dessiner... Ce n'est pas moi qui décide, ce sont mes voix qui me le disent..." De même, la perplexité de ses hôtes a dû être extrême lorsque, à peine débarquée de France et entrant pour la première fois dans leur maison au Gabon, Véronique Stembaum est allée directement se planter devant un tableau représentant une Femme malade. Incapable de s'en arracher, elle déclara plus tard qu'elle s'était sentie littéralement "aspirée dans le tableau", signé très symboliquement Ilélat. Ce personnage qu'elle n'a pu connaître puisqu'il était déjà mort à l'époque de cet incident a pourtant exercé sur elle une telle fascination que cette jeune femme qui n'avait jamais tenu un pinceau, s'est mise à peindre! Vivant alors au bord d'une lagune de rêve, elle a commencé à ramasser des coquillages, des baies d'arbres de la forêt proche, des coques de fruits, etc. Et des résines avec lesquelles agglomérer ses trouvailles : Sur les traces d'Ilélat, en somme ; mais en ajoutant des matériaux qu'apparemment il n'avait jamais utilisés.

La politique ayant des arguments incontournables, Véronique Stembaum a dû un jour rentrer en France. Désormais, elle parcourt, hotte au dos et machette à la main, les forêts savoyardes, rapporte champignons parasites, faînes, écorces d'arbres, etc. Encore imprégnée des forces, des coutumes (danses, exorcismes, etc.) de "là-bas", elle réalise d'étranges "peintures" en relief, représentant souvent des scènes ou paysages africains. En même temps, coupée sans doute pour toujours de ces racines qu'elle s'était forgées, elle commence à "raconter" ses impressions recueillies en visitant son nouvel environnement. Ainsi, la femme allongée au bord du ruisseau, dans la forêt, sous la clarté de la lune (d'ailleurs il est curieux de constater combien, sans le connaître, cette oeuvre est proche de La Bohémienne endormie du Douanier Rousseau !), va de pair avec la danseuse frappant des pieds dans la poussière ; les villageois longeant la piste dans un camion antédiluvien côtoient le joueur de pétanque en train de cligner d'un oeil pour mieux viser, etc. Tigres, singes... et Coco, le perroquet si "proche", arrivé on ne sait d'où, gambadent indifféremment dans de hautes futaies exotiques ou des houppiers aux feuillages familiers!

Naïves, les peintures de Véronique Stembaum le sont, incontestablement. Et la position de cette autodidacte devenue artiste parce qu'elle ne pouvait faire autrement, est tout à fait dans le sillage des créateurs médiumniques. Sans conscience d'appartenir à aucune tendance picturale, elle sait pourtant que, même à des milliers de kilomètres, elle travaille sous influence. Elle parle d'Ilélat avec beaucoup d'émotion. Elle sent près d'elle la puissance tutélaire de ce vieil Africain : dans une corde de sa lyre qui sans raison se met à vibrer, dans un souffle qu'elle sent sur son cou, dans sa main qui refuse de placer tel objet à tel endroit, etc. C'est pourquoi elle est très attentive à respecter ces "signes". A être narrative et vraie, modeler avec son. coeur, les scènes qu'elle a dans la tête! Toute vibrante d'une sorte de mysticisme, convaincue de la magie qui emporte sa vie, elle "sait" que dans les résines, elle grave ses humeurs, que le tableau "se charge" de ses états d'âme. C'est pourquoi elle ne travaille jamais si elle se sent triste! Le reste du temps, elle "modèle" ses petites histoires, jusqu'au moment où "quelqu'un" lui murmure : " C'est fini. Maintenant, ton tableau peut vivre " !

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ILELAT: Véronique Sternbaum s'est frénétiquement mise à la recherche de renseignements sur cet homme. Il vivait au fond de la Forêt des Abeilles, au Gabon. Sa hutte était ornée de peintures et de sculptures. (Mais doit-on dire" peintures", puisqu'il s'agissait en fait de tableaux réalisés uniquement avec des résines d'arbres, en particulier le n'goma, arbre sacré du Gabon, qu'il allait chercher dans la forêt. Il ajoutait ensuite des couleurs obtenues à partir de pigments de pierres trouvées dans son environnement.)

Parcourant la forêt gabonaise, l'ami de Véronique Sternbaum avait un jour découvert par hasard cette cabane. Charmé, et intrigué, il avait abordé le vieil homme et lui avait acheté un tableau, intitulé La Femme malade, oeuvre tellement puissante qu'il avait décidé de retenir les autres tableaux de ce curieux personnage. Par la suite, il en choisit quatre ou cinq.

 

Véronique Sternbaum en acheta deux à cet ami. Désireuse de tout savoir sur Ilélat qui la poussait déjà littéralement aux frontières .le la création, elle apprit que le Ministère de la Culture française lui avait, quelques années auparavant, organisé une exposition. Mais, par aucune filière, il ne lui fut possible Je retrouver la moindre trace de cette exposition, ni du petit catalogue qui l'avait accompagnée. Tous les tableaux exposés, toute trace... semblaient avoir complètement disparu!

Jeanine Rivais.

Ce texte a été publié dans le N° 66 (Janvier 2000) du BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA.

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