CELIA REY

Entretien téléphonique avec Jeanine Rivais.

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Jeanine Rivais : Célia Rey, nous nous étions rencontrées il y a bien longtemps, chez Jean-Claude et Simone Caire, sous le sorbier centenaire, lors d'une des dernières assemblées générales du Bulletin de l'Association Les Amis de François Ozenda. Depuis, j'étais sans nouvelles de vous. Et lorsque j'ai vu votre travail à Lyon, je me suis réjouie de vous retrouver. Malheureusement, la santé de votre mari ne vous a pas permis de venir. Et vous vous êtes fait représenter par le couple Guérin. Certes, parler au téléphone n'est pas aussi convivial que de se trouver à deux devant des œuvres. Mais nous allons essayer de parler tout de même un peu de votre travail. Vous avez envoyé des dessins, et des peintures.

Dans vos peintures, nous sommes dans le monde du clinquant, vos femmes sont rutilantes, l'air d'être masquées, de sorte que l'on se croirait à un carnaval ; au carnaval de Venise, par exemple ? Sur certaines, vous avez même matérialisé le masque. Sur un autre tableau, vous avez peint deux personnages que l'on pourrait considérer comme un Indien à la coiffe emplumée, et son épouse ? Ou quelqu'un appartenant à la religion ? Il y a une double interprétation possible. Aux pieds de ces personnages s'en trouvent de minuscules, très semblables aux bonshommes têtards dessinés par les enfants.

Célia Rey : S'agit-il d'un Indien ou d'un personnage de religion ? Quelle importance ? De toutes façons, qu'on le veuille ou non, la vie comme tout le monde le sait, est une chaîne continue. L'être humain, quel qu'il soit, recherche toujours chez ses parents ou dans la religion, ou autre… la tendresse, et l'amour en espérant qu'à son tour, il les trouvera. Une chaîne, donc, que l'on transmet de descendant en descendant. Une petite graine qui se transmet de génération en génération…

Quant à celui où vous voyiez un masque vénitien et qui s'intitule Bouzy de Saint Rémy, il a été inspiré par une très belle femme portant bijoux et parures. Mais on a tous un masque, et derrière le masque…

 

JR. : Il fallait donc lire ce tableau de bas en haut, et non l'inverse comme je l'ai fait. Comprendre que ces petites graines sont à l'origine du monde ; qu'elles germent pour donner une plante, un personnage… qui donnera, etc. Quelle responsabilité ! (D'ailleurs, vous reprenez apparemment cette idée avec certaines de vos sculptures où, telles des yeux, elles ponctuent le personnage de bas en haut). Et cependant, vos personnages ont des mines épanouies.

Par contre, vous en avez un autre, une grosse tête aux yeux bleus, avec des dents énormes. Il est entouré anarchiquement de petits personnages pictographiques, à peine élaborés. Vous l'avez intitulé " Chagrin d'enfant ".

CR. : L'enfant est toujours effrayé par la vie. Le chagrin est contenu, un gros chagrin d'enfant. On se demande si c'est l'enfant qui pleure, ou son entourage ?

 

JR. : Par contre, vos dessins sont d'une facture beaucoup plus primitive. Ils me semblent plus proches de l'Art populaire, celui des Pays de l'Est, par exemple ; avec des belles robes, des jupes gonflantes, etc. Ils ont un côté naïf. Mais les visages de vos personnages semblent beaucoup plus heureux que sur vos toiles.

CR. : L'être humain est toujours prisonnier de quelque chose, de quelqu'un. Il est très difficile de se dégager. De toutes façons, chacun lutte pour se dégager des aléas, des peines, des chagrins. Chacun se souvient beaucoup plus des jours de peine que des jours de joie.

Mais quand même, sur d'autres dessins, la liberté triomphe, comme sur celui que j'ai entouré de branches d'étoiles, Ce tableau représente une force intérieure qui ressemble à une chaîne que l'on fait sauter, pour avancer dans la vie.

 

JR. : Je vous remercie, et j'espère qu'à une prochaine exposition, il vous sera possible d'être présente, pour que nous ayons le plaisir de nous retrouver.

Entretien réalisé lors de la Biennale d'Art hors-les-normes de Lyon, le 28 octobre 2007, grâce à l'aide amicale de Michèle Guérin.

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