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Il semble que Suzanne Le Magnen soit venue à la poésie parce que l'on va à la fontaine lorsque vous taraude la soif ! Depuis ce temps lointain de la première " goutte ", que de chemin parcouru à " transfigurer le quotidien, le rendre exaltant et habitable " !
A travers les cinq temps de ce recueil intitulé Le pain de ma lampe, le poète passe, en effet, étrange association, du " pain de ma lampe " (sans qu'il soit au lecteur, possible de déterminer si le premier est nourriture terrestre ou spirituelle de la seconde, ou s'il tire sa substance de la lumière de celle-ci) ; aux " Fragments du feu " ; aux temps qui se situent " En marge " ; à l'insoluble problème de " Déchiffrer la nuit ", pour effectuer enfin " Un pas vers la lumière ". D'ailleurs, dans la profession de foi (le mot est à prendre au sens originel) de l'auteur "(" Je voudrais que ma poésie / ait la franchise d'un coup d'aile / la confiance de la maison/ suspendue le soir à la lampe ") se retrouve la même inversion lampe/maison-maison/lampe, comme autant de possibles sentiments bivalents dans sa quête de lumière et de chaleur indispensables à sa vie !
Du fait de cette quête, Suzanne Le Magnen est le poète de la diversité : de l'intimité du foyer à ses " voyages " cosmiques (" Parfois je veille avec moi-même / Il faisait beau sur la planète ") ; du lyrisme à l'émotion la plus sobre (" Tu t'es crue écorchée vive / Il y a dans mon cur une porte qui bat") elle fait sonner ou sourdre les mots, les idées (" Voici l'éclair et voici l'arbre /la même plainte chaque nuit ") ; combine harmonies et dissonances (" Je suis venue à toi une lampe à la main / Férocité des dieux lorsque leurs becs s'avancent ") ; conjugue avec talent inversions métaphoriques et symboles explicites (" L'ange se penche à la margelle et la soif vous donne à boire / Le blanc de la page bat comme un tambour ") le tout revenant telle une fatalité, un leitmotiv, des plus lointains horizons vers le fournil et le pain, le foyer et la braise, la terre et le blé, la source et l'eau, la maison et la lampe, encore et encore. Vers sa vie, en somme, sa propre vie tentant sans trêve de capter la lumière.
Jeanine Rivais.
Suzanne LE MAGNEN : LE PAIN DE MA LAMPE. Collection la Nouvelle Tour de feu, Editions du Soleil natal, 8 bis rue Lormier 91580 ETRECHY.
Ce texte a été publié dans la Revue de la Critique Parisienne.