LES MOMIES DE ROLY VAER

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Touche à tout, Roly Vaer explore sans exclusive peinture, sculpture... Mais, ce qui est le plus intéressant parce que le plus bouleversant, dans son œuvre, c'est sa peinture figurative, en particulier celle qu'elle intitule ses " momies "…

Un jour, cette artiste est allée à Palerme, visiter les Catacombes. Très émotive, elle a reçu de plein fouet les images effrayantes des défunts bien conservés qui en font l'attraction et y sèment le trouble. Et depuis lors, elle essaie de conjurer cette sorte d'envoûtement, en portant sur la toile, ses propres momies à la fois si proches des " vraies ", et tellement personnelles !

Avant tout, que seraient ces personnages désincarnés, s'ils étaient privés de la terre qui a assuré leur conservation ? Qu'à cela ne tienne, soucieuse de crédibilité, Roly Vaer sait trouver une texture très voisine : lourds amas grumeleux de peinture ocre mêlée de bruns, brossés à longs traits irréguliers, comme bouleversés par la présence de ces corps qui ont bénéficié d'une si incroyable osmose !

Sur ce magma désordonné, l'artiste couche ses figures inertes comme les originaux, dans la posture où la mort les aurait surprises : jeune fille en train d'accoucher, cuisses ouvertes et ventre distendu, son enfant au bout de ses pieds ; individu griffant le mur de ses deux mains recroquevillées ; personnages aux yeux vides encapuchonnés (des moines peut-être ?) mains jointes sur leurs ventres, côte à côte dans leurs expressions d'intense souffrance. Et, tels les authentiques êtres arrachés à leur terre-mère, les " morts " de Roly Vaer, figés dans leur immobile et fortuite re/naissance, présentent au visiteur, le spectacle désolant de leurs pauvres corps protégés contre toute attente depuis des siècles ; leurs orbites vides ; les lambeaux de chairs desséchés sur leurs ossatures qui ont l'air d'avoir été modelées, leurs bouches étrécies en de douloureux rictus ou béantes sur leurs cris muets ; leurs cuirs chevelus disparus ou réduits à quelques rares touffes, etc.

Ainsi, d'œuvre en œuvre, l'artiste propose-t-elle ses monstres humains. Si profondément humains malgré leur monstruosité, et si morbides. Ses étranges créatures à la fois pitoyables et repoussantes ! Et le spectateur, arrêté devant elles comme il le serait au fond des catacombes, ressent crescendo semblable sensation d'oppression et d'angoisse. Mais alors, comme chaque fois qu'il est confronté à la Mort, lui vient la sensation victorieuse d'être bien vivant, la certitude que même si, à travers ces œuvres, il lui faut admettre le caractère inéluctable de son destin, pour lui, maintenant, triomphe la vie !

Jeanine Rivais.

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