**********
Sans
doute Dominique Sapel appartient-elle à ces gens qui, hormis
la masse imposante de Zeus carré lourdement sur son
trône au sommet de l'Olympe, et contemplant d'un il
lubrico-ironique les misérables Terriens, ont tout
oublié de leurs leçons d'histoire ? En tout cas, lasse
apparemment de se demander si Héra n'était pas la
déesse de la Beauté, Minerve celle de la Guerre, et
Bacchus le Dieu des Enfers
et de constater qu'elle avait tout
faux, elle a décidé un jour que si " ses " dieux
étaient tombés sur la tête, il lui fallait garder
la sienne sur les épaules, et remettre tout ce petit monde
à sa place !
Ainsi sont nées les
premières toiles consacrées à la mythologie. Une
mythologie pas très orthodoxe, assurément, puisque en
un joyeux charivari, tous ces immortels et quelques demi-dieux se
sont retrouvés en un méli-mélo défiant
toutes les logiques mythiques, les uns sur une toile, les autres sur
un bas-relief, une sculpture, etc. Mais, dans cette fantaisie
plastico-historique, l'artiste
a néanmoins veillé à ce que chacun brandisse
bien son attribut personnel, et s'illustre par l'animal ad hoc !
C'est que, sous un physique démonstratif de cheveux rouges, chaussettes cacatois et croquenots à clous, Dominique Sapel dont l'uvre est très narrative, a développé une démarche extrêmement rigoureuse. En fait, toutes ses créations partent d'un souvenir, d'une émotion : un livre, un événement personnel, un voyage des circonstances au cours desquelles elle dessine de multiples et rapides esquisses. Plus tard, revenue dans son atelier, elle " relate " ce qu'ont enregistré, classé, sélectionné ses cinq sens. Travail long et absorbant ; où sa mémoire entre en jeu et où son imaginaire crée la différence entre un réalisme qui serait sans nul doute rébarbatif et le résultat qui n'est que fantasmagorie ! En fait, tous ces éléments, en parfaite coordination et complicité, reprennent de concert la scène et " continuent le voyage ". De sorte que, sans trêve, en peinture comme en sculpture, Dominique Sapel parcourt mentalement, le monde !
Les cinq sens ! La conscience de leur
influence dans sa création est si forte, qu'ayant un jour
découvert les célèbres Tapisseries de La dame
à la Licorne, elle a repris ce thème et
réalisé sept immenses tableaux : sept autoportraits, en
fait
! Tout au long de ce travail titanesque, elle est restée
fidèle aux mises en scène originelles, à l'Ile
bleue et aux Mille Fleurs ; mais, par une sorte de " transfert ",
elle s'est substituée à la Dame ; lui conférant
non une ressemblance avec elle-même qui l'aurait
entraînée dans un hyperréalisme hors de son
propos, mais une allure générale si typiquement
familière que l'antithèse entre la sophistication de la
première et la simplicité de la seconde donne à
cette série grave, un air de provocation !
Ainsi, d'arcanes mythologiques en épisodes moyenâgeux, de périples andins en pérégrinations américaines à la rencontre de cow-boys en costumes très fétichistes Dominique Sapel, très investie dans sa création, très préoccupée de référents qui en garantissent l'authenticité, est-elle, à travers la mémoire du monde, à la recherche d'elle-même. Ce faisant, elle est, avec talent, l'auteur d'une uvre très vivante, très colorée et foisonnante, rendue parfois décorative par l'ajout de petites perles, de collages cousus ou brodés d'autres fois proche de la fresque ou de la bande dessinée dans tous les cas à l'origine d'une symbolique ludique et culturelle tout à fait personnelle !
Jeanine Rivais.
CE TEXTE A ETE ECRIT APRES UN ENTRETIEN REALISE LORS DU FESTIVAL DE PRAZ-SUR-ARLY 2001 ET PUBLIE DANS LE N° 71 DE JANVIER 2002 DU BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA.