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Puissance
évocatrice des créations de BERNARD THOMAS-ROUDEIX qui
présente à la fois des peintures et des sculptures.
Quelques natures mortes apportent leur note sage dans cet univers
traumatisé. Mais immédiatement le regard leur
préfère les "portraits" peints ou leur transfiguration
en trois dimensions, car les deux disciplines suivent, chez cet
artiste, le même cheminement : Têtes étranges et
terribles, aux bouches et nez de travers ; presque toujours chauves
et privées d'un oeil, de la moitié correspondante du
visage tordu, bourrelée chaque fois comme une cicatrice mal
suturée ; l'autre moitié striée de lignes raides
et sombres, en une géométrie insensée par-dessus
laquelle spirale un entrelacs tubulaire plus clair, semblable
à une grille destinée à isoler davantage ce
faciès bouleversé. Parfois, buste et tête sont
couverts d'une sorte de pelage malsain qui donne envie de le toucher,
mais génère en même temps un violent sentiment de
répulsion ! Parfois aussi, ces personnages tronqués
possèdent des bras, soit amputés au-dessus du coude ou
collés au corps ; soit nanisés et pendant raidement de
part et d'autre de la poitrine. Jamais de jambes, par contre, mais de
temps à autre, une amorce de bassin aux replis
surlignés de façon à évoquer un
enchevêtrement viscéral.
Un monde perturbé, névrotique, beau néanmoins de ses disharmonies, de ce long travail d'enlaidissement de la force vitale et de l'apparence ; de pétrissage de la terre pendant des jours pour lui donner une patine pellucide ou tissulaire ; de domination de la couleur passée et repassée, intégrée ou au contraire isolée, cassée en brusques replis ou sinuant entre les boursouflures ; et de la lumière jouant sur les émaux jusqu'à donner l'impression de "vrais" tissus, d' "authentiques" chairs déchirées....
Un artiste possédant, outre une technique parfaite, une complicité sans faille avec le matériau choisi, et l'immense talent de projeter sur la toile ou dans la glaise de bouleversantes "images" fantasmatiques !
Jeanine Rivais.
Texte publié à la suite de l'exposition au Musée Adzak.