NADINE RIDEL, sculpteure, ET SES MAISONS BISCORNUES.

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Longtemps, Nadine Ridel a appartenu au monde que, dans la Puisaye, on appelle " les potiers ". Mais elle a, de tous temps, été une potière singulière, avec ses pichets pleins de bonhomie, ses plats baroquement décorés de saynètes rustiques qui en faisaient autant d'œuvres uniques. Et puis, un automne, renonçant à tout ce qui constituait un travail " utilitaire ", elle s'est lancée dans la création pure. De ce fait, elle a changé de milieu, entrant dans celui de l'imaginaire, du fantasmagorique.

Mais, peut-être incapable d'une mutation trop brutale, elle s'est au sens littéral, accrochée à la terre, y plaquant d'étranges HLM dont le déséquilibre apportait à ce nouveau travail, une dimension très psychologique : de minuscules individus semblant n'avoir entre eux aucune relation, se trouvaient soit au sommet, soit au pied de tours immenses, aux murs aveugles. Tous évoluaient à proximité de ces constructions, courant en tous sens tels des fourmis qui obéiraient à de très anarchiques codes de la route.

Le temps a passé. La notion d'habitat a évolué, demeurant néanmoins très insolite : maisons/bouteilles avec leurs bouchons humanoïdes ou animaliers, maisons/ponts, maisons/guitares…. maisons biscornues, de traviole, aux toits polychromes gondolés, fenêtres de guingois, épis de faîtage tanguant à tous les horizons… Mais désormais à échelle réduite, ayant perdu leurs disproportions avec les habitants. Car habitants il y a encore, autour des maisons de Nadine Ridel. Surprenants, eux aussi : petites boules massives disparaissant sous des épaisseurs de vêtements. Aux chapeaux pointus comme ceux des Chinois. Enturbannés comme en Afrique… Ou bien encore (Mais que font-ils donc, si loin de leur froid polaire ?)… des pingouins ! Décidément, l'univers de cette artiste n'est pas banal !

 

Tant qu'elle en est à malaxer la terre, élaborer ses impossibles habitations, il semble que Nadine Ridel " garde ses distances " par rapport à l'oeuvre naissante. Mais une fois campée la " scène " posant devant leur lieu de vie, ses personnages, humains ou animaux, débute une longue histoire d'amour entre l'artiste et sa création : Le nez collé à la glaise, elle va déployer toute son imagination pour l'orner, la piqueter d'infimes pointillés, l'agrémenter d'étoiles minuscules, la guillocher de mille petites lignes brisées ou onduleuses, la fleuronner, l'incruster, la carreler... le tout en des agrégats de rouges flamboyants ou de roses indéfinissables, de jaunes orangés cohabitant avec des gris ou des verts, etc. A ces couleurs dont les combinaisons multiformes et la brillance des émaux font exploser son univers, la sculpteure devenue peintre concède parfois quelques plages monochromes sur les façades des maisons. Mais le plus souvent, des dessins géométriques y jouent le rôle de décoration, comme ceux des cases des femmes du Mithila ; comme si, au rôle esthétique de ses œuvres, elle voulait ajouter une connotation culturelle et religieuse ? Tout cela générant, et c'est un vrai paradoxe, une atmosphère de calme, de bien-être. Prouvant que Nadine Ridel est une coloriste de grand talent, qui sait, par la juxtaposition entre les déformations des éléments de son monde, et la parfaite harmonie de ses couleurs, créer une œuvre bien à elle, tendre et originale.

Espérons donc qu'elle n'apprendra jamais à tracer des angles droits ! Sinon, que deviendraient ses maisons de guingois, ses toits biscornus, ses fenêtres gondolées… Mais tout cela n'a-t-il pas déjà été dit ?

Jeanine Rivais.

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