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Nées
d'une longue filiation de personnages issus de son imaginaire, les
créatures récentes d'Evelyne Postic sont pourtant
physiquement différentes de leurs ancêtres. Leur habitat
également, d'où le grégarisme a disparu. En
somme, en " mutant " de la couleur au noir et blanc, avec ce travail
très stylisé, miniaturisé, elle a fait
éclore une nouvelle génération moins anecdotique
que la précédente, et plus animalière. Plus
rigoureuse, aussi, dans sa précision d'entomologiste.
Désormais dépourvu
d'habitacle original, chaque " individu " de son prodigieux bestiaire
est placé dans un rectangle indépendant des autres.
Comme ceux que l'on trouve épinglés et
étiquetés dans les Muséums d'histoire naturelle.
Comme si l'artiste avait fait le tour des animaux fabuleux dont son
enfance a pu rêver : rats énormes aux dents
menaçantes et pattes griffues
lézards
géants à tête ovoïde bardée d'ergots,
aux écailles finement
soudées, aux énormes pores fémoraux
griffons, toutes antennes dressées, gueule ouverte, semblant
menacer un ennemi invisible
papillons aux ocelles
spiralées, aux palpes/fleurs terminés par des vibrisses
qui, telles des dentelles, leur confèrent gracieuseté,
délicatesse et majesté
oiseaux dressés,
tête coiffée d'une excroissance aplatie, au bec
vermiculé
animaux enfin, de forme indéfinie,
dotés de barbillons/fleurs, au corps extrémal et pattes
inégales dans leur finesse surprenante, etc. Toutes ces "
espèces " saisies en des temps antédiluviens par
quelque cataclysme, et figées pour l'éternité
dans leurs attitudes familières.
Telles sont les différences
anatomiques de ces êtres, qu'elles donnent à penser
qu'il pourrait s'agir d'un " autre " monde ! Alors que ce sont
assurément des vestiges de ses ethnies familières,
exhumés après des millénaires de
bouleversements, par Evelyne Postic ? Sans doute, pour elle, cette
appartenance est-elle
évidente, qui définit ses nouvelles créations
comme de vieux amis : " Homme-cerveau ", " La bestiole ", " La chose
", " Enveloppeuse "
? Mais, pour le visiteur l'énigme
reste entière.
Néanmoins,
vivants ou fossilisés, elle a longuement fleuronné ces
êtres, d'étoiles ou folioles minuscules, les a
incrustés d'infimes guillochures, piquetés de graciles
vermiculures, ponctués de microscopiques pointillés,
générant sur certains une sorte de velouté qui
pourrait aller à l'encontre de l'idée de " fossiles
"
?
Quoi qu'il en soit, tant de soin apporté à ornementer ses personnages, tant d'heures à l'évidence passées dans une proximité harmonieuse, une imagination enflammée, une fantasmagorie débridée, font que les dessins d'Evelyne Postic génèrent la même surprise que ses précédents allochtones, témoignent de la même quête, d'un même espoir de percer les secrets de la vie dans des mondes inexplorés, créant subséquemment les épisodes d'un captivant récit d'aventure et d'amour. Créant également et surtout, une uvre pleine de cohérence, de vitalité, d'une facture à la fois mystérieuse et déterminée, avec pour constantes, authenticité, force créative. Et beauté.
Jeanine Rivais.