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Bien
qu'il vive depuis plusieurs années en France, Pasko a
gardé très profondément ancrées en lui,
la culture et les murs d'Haïti, où il retourne
d'ailleurs souvent. Mais, s'il s'inspire beaucoup des
événements qui s'y déroulent ; s'il lui est
impossible d'oublier l'atavisme religieux qui s'y impose encore
lourdement ; s'il revendique l'héritage transmis par les
artistes du Saint Soleil qui, pendant des décennies,
illuminèrent l'horizon pictural de l'île ; il refuse, la
trentaine venue, de se classer dans les mouvements artistiques
traditionnels. Sa peinture est, de ce fait, un va-et-vient entre
rites renouvelés, et contemporanéité.
Cheminement dans lequel il est fortement impliqué.
Qu'a-t-il donc conservé dans son
uvre, qui parle de cette vie insulaire tout en gardant ses
distances ? Le vaudou, bien sûr, qu'il reprend de façon
récurrente. Evoquant parfois, même, les " mutations "
des gens, lorsqu'ils s'en vont très loin dans le monde spirite
; comme au long de cette série consacrée au " bizanga
", l'oiseau rouge ; ou encore avec ses arbres dont les
nodosités sont des seins aux tétins sans
équivoque, et
aux
houppiers/créatures
Mais, après avoir
laissé un moment son inconscient guider son pinceau, il se
reprend chaque fois pour échapper au mythe. Dépasse la
dimension contextuelle, la condition sociale, pour témoigner
à sa façon de l'humanité de ses individus.
Donnant à chacun sa spécificité, son
individualité. De sorte que jamais l'un ne fait les
mêmes gestes, n'adopte les mêmes attitudes que l'autre,
aussi stylisé soit-il. Car, au fil des uvres, il est
évident que Pasko n'a aucune volonté d'être
réaliste ; que ses personnages n'appartiennent à aucun
type ethnique, ne sont jamais reconnaissables à leurs
vêtements, (d'autant qu'ils sont presque toujours nus)
Ils sont des " êtres ", non des " noirs " comme il serait
logique si l'artiste se voulait ethnologue. D'ailleurs, ils sont
peints en blanc, jaune, brun, etc., au gré de ses
humeurs.
D'Haïti, Pasko a aussi gardé des images, imprimées dans son esprit depuis l'enfance et ses pérégrinations sur les places de marchés : Ainsi, les têtes des hommes demeurant assez fidèles, ses femmes ont-elles souvent l'air d'en être dépourvues. Il n'en est rien, bien sûr, mais elles ont pris la forme des paniers des paysannes surchargées de régimes de bananes ; ou ceux des marchandes de fleurs d'où dépassent en tous sens les tiges de différentes longueurs... Femmes aux têtes/fleurs, têtes/corbeilles, têtes/plateaux donc.
Et les danses. Celles où les corps libérés expriment tantôt une légèreté renforcée par les ailes dont ils sont dotés ; tantôt une lasciveté, un érotisme d'autant plus grands qu'ils sont fortement sexués. L'artiste adopte alors souvent le rouge, non pour évoquer le sang mais à cause de son côté provocant, gai : l'idée de la fête en somme. Il favorise les lignes qui silhouettent les personnages ; module ses couleurs, assurant pour ses corps et décors, une parfaite complémentarité ou des dissonances volontaires ; et parvient alors à sa palette tellement surprenante.
Ainsi,
animé de la volonté de se séparer de ses dieux
mais pas de ses coutumes ; de se situer " en marge " pour ne pas
être un Naïf Primitif mais agir résolument dans la
modernité, Pasko poursuit-il une sorte de combat
esthétique et formel au long d'une uvre
fantasmatico-narrative. Rejoignant d'autres artistes de sa
génération, désireux, eux aussi d'être
à l'origine d'une nouvelle figuration haïtienne,
caribéenne peut-être. Il sera intéressant de
suivre ces créateurs naissants.
Jeanine Rivais.