CLAUDINE LOQUEN, peintre

Entretien avec Jeanine Rivais

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Jeanine Rivais : Claudine Loquen, comment êtes-vous venue dans le monde de l'Art insolite ?

Claudine Loquen : Je ne savais pas que je faisais de l'Art insolite. Je peignais et j'offrais des toiles à mes amis. Ce sont eux qui m'ont dit que je devrais commencer à exposer. J'ai donc commencé. Et petit à petit, des gens qui étaient apparemment des connaisseurs, m'ont parlé d'Art singulier. Je n'aime pas trop être classée, mais peu à peu j'ai commencé à exposer davantage.

 

JR. : On peut dire que votre monde est celui du conte ?

CL. : Celui de l'enfance, plutôt. L'enfance, la famille et le conte. En fait, je raconte toujours une histoire. Celui-ci est un peu ma famille ! C'est le chat !

 

JR. : Il me semble que le chat est important, dans votre œuvre, puisqu'il se trouve chaque fois à l'avant de personnages plus fantasmatiques ; de petits êtres ayant des roses à la place des cheveux ? C'est ce qui m'a fait penser au conte. Comment différenciez-vous celui que vous appelez " ma famille ", du tableau où l'oiseau est à l'évidence en train de parler avec des jeunes femmes, et où nous sommes en plein dans le conte ?

CL. : C'est que je suis une imaginative. Je suis toujours dans le rêve, rarement dans la réalité. Quand je dis " ma famille ", c'est que je mets mes personnages en action, je les fais participer à ces contes. J'écris aussi de petites histoires. Comme vous l'avez vu dans mon livre, la plupart sont écrites par ma sœur jumelle. Toutes les deux, nous nous sommes remises en enfance. Nous nous sommes raconté les histoires que nous nous racontions enfants. Tantôt je les ai mises en formes, tantôt elle a écrit le texte après. L'un se rapporte à un critérium auquel j'avais participé et où je me trouvais en queue. Un autre à Lola Montès, dans " La Ronde ", où elle est là, en tutu. Un autre a trait à " Belle de jour "

 

JR. : Je ne dirai pas que " Belle de jour " soit un conte de fée !

CL. : Non ! C'est là que je deviens plus terre à terre. Je fais aussi appel à la littérature avec " Claudine à Paris ", en référence à Colette ; au cinéma, avec le film de Claude Sautet, en référence à mon fils qui s'appelle Vincent…

 

JR. : Les exemples que vous citez ne sont pas spécialement gais ! Ni très fantasmatiques. Quelle est leur relation avec le conte de fée ?

CL. : J'aime beaucoup le cinéma ; je suis une grande lectrice. Tout cela part de partout ! C'est à la fois le conte, le cinéma, ma vie…

 

JR. : Il me semble aussi qu'il y a dans vos œuvres, un côté nostalgique des dames en robes longues ; des jeunes filles frisottées, avec des anglaises comme naguère, collets montés et bavolets…

CL. : Oui, tout à fait. Ce sont les petites filles modèles de la Comtesse de Ségur. C'est aussi "Marie-Antoinette", et c'est de nouveau une référence au cinéma, puisque ce tableau a été peint après la sortie du film. En fait, je m'amuse beaucoup !

 

JR. : Vous n'avez, dans vos œuvres, que des couleurs tendres. Vous êtes une très bonne coloriste, avec des harmonies très douces. Je ne vois pas d'autre mot que " tendres " pour les définir : vous auriez aimé une autre définition ?

CL. : Non, cela va avec ma personnalité : le peintre de la gaieté.

 

JR. : Mais alors, pourquoi êtes-vous habillée tout en noir ?

CL. : Je ne sais pas ? Peut-être parce que j'ai envie de me protéger ? C'est un contraste, mais c'est aussi ma personnalité.

 

JR. : Il me semble y avoir deux parties dans votre œuvre : celle où les personnages sont en pied, en situation pourrait-on dire ; et puis celle où ils sont seulement en buste, comme des photos d'identité. Pourquoi choisissez-vous de les faire ainsi en buste, comme si vous ne vouliez pas leur donner vraiment une présence corporelle ?

CL. : C'est pour mettre en valeur le regard. Tantôt le regard est très important dans mes toiles ; tantôt c'est la saynète : il y a un mouvement, de la danse… J'ai tendance tantôt à privilégier le regard, tantôt le mouvement.

 

JR. : Tout de même, mise à part cette partie directement autobiographique que vous avez appelée " Le Critérium ", tous les autres personnages me semblent plaqués à l'avant du tableau, toujours en représentation, comme si justement, vous étiez en off, en train de les prendre en photo. Figés au moment où " le petit oiseau va sortir " !

CL. : Oui, il y a le côté nostalgique du temps où mes grands-parents se faisaient prendre en photo. Je maquille mes personnages, je les habille ; ils sont toujours très bien habillés.

 

JR. : J'allais justement en venir aux yeux : ceux de vos femmes sont toujours très lourdement fardés, les pommettes très rouges. Ce qui m'étonne, c'est que même sous une mantille ou un turban, on ne voit presque pas les cheveux. Sommes-nous, là encore, dans un paradoxe par rapport à vous ?

CL. : C'est possible ? On m'a souvent posé la question. Pour moi, c'est encore pour mettre en valeur le regard, comme si les cheveux étaient dérisoires, et avaient peu d'importance. Pour moi, c'est encore le regard qui prime, même si les cheveux commencent à naître.

 

JR. : Mais il reste tout de même de la décoration. A l'une, vous avez mis un élégant turban, à une autre ce qui pourrait être une grosse broche, ailleurs un gros peigne. Tout se passe comme si vous aviez envie de montrer les cheveux, mais que vous n'arriviez pas à vous décider ?

CL. : Non. C'est qu'en fait, mes personnages sont toujours androgynes. Si je peins un homme, un visage féminin va naître. Ce n'est pas une volonté, mais c'est ainsi. Donc, en fait, ce côté androgyne me plaît. Et si j'ajoute des cheveux, il n'y aura plus cette ambiguïté homme/femme.

 

JR. : Tout de même, lorsque vous peignez un personnage avec une amorce de belle robe décolletée, n'est-il pas évident qu'il s'agit d'une femme ?

CL. : Non, je ne crois pas.

 

JR. : Par ailleurs, il arrive, comme dans votre " Arche de Noé " que tous vos humains soient en fait des extra-terrestres : ils ont des trompes, des becs, etc. Donc, à un moment où le spectateur attendrait des hommes, vous avez mis des animaux ?

CL. : Oui. Finalement, il y a très peu d'hommes dans mes peintures. Lorsque je décide d'en peindre un, il devient immanquablement un chat. Il faut dire que j'évolue dans un univers extrêmement féminin. En fait, je refuse de me poser des questions, parce que si je commence à m'interroger sur ce sujet, je vais arrêter de peindre !

 

JR. : Et maintenant, quels sont vos projets ?

CL. : Je pense que je vais me tourner vers le dessin, mais rester dans le figuratif. Et puis je vais écrire davantage pour illustrer mes toiles.

 

JR. : Vous voulez dire que vous écrirez ET vous illustrerez, ou vous écrirez sur vos toiles ?

CL. : J'écrirai sur mes toiles.

 

JR. : Donc, celle où vous avez écrit " I love you " serait une des premières de cette nouvelle série ?

CL. : Oui, en effet.

Entretien réalisé à Miermaigne, le 21 juin 2008.

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