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La première fois qu'il a montré ses uvres en
public, Jean Iturralde proposait une grande explosion de couleurs,
des complémentarités et des oppositions de rouges
crûs et de violines ou de bleus sans nuances qui se
chevauchaient, s'entrecroisaient, s'emboîtaient en de solides
aplats. Sur lesquels il ajoutait des épaisseurs, de larges
taches de couleurs vibrantes et lumineuses renforcées par des
coulées de brillances glycérophtaliques, apparemment
aléatoires mais en réalité très
organisées. Par-dessus lesquelles encore, il lançait
des jets de peinture noire, dont les éclaboussures, les
dégoulinures semaient l'anarchie dans ces formes
abstraites.
Pourtant, dans les replis de ces chaos, apparaissait, à peine
visible, presque en filigrane et néanmoins indéniable,
l'ébauche d'un visage. Le peintre, alors, décrivait sa
difficulté à empêcher cette figure de
naître, sa lutte contre elle qui sabotait sa volonté
d'abstraction !
Quelques années plus tard, il
semble bien que son combat soit désespéré :
comme autant de Golems émergeant de cette riche
matière, des visages sont désormais au premier plan de
chaque uvre. Non pas réalistes bien sûr ; encore
mal dégrossis, raturés de couleurs claires,
apiécés, couturés comme des êtres
inachevés, parfois encore coincés entre les reliefs de
peinture, privés de vision ou dotés de visions
incohérentes... Mais bien présents,
occupant la majorité de l'espace, renvoyant à
l'arrière-plan la belle construction flamboyante, la
réduisant au rôle de fond non signifiant
Il est toujours intéressant d'assister à la genèse d'une uvre et aux questionnements d'un jeune artiste aux prises avec la sienne. Il sera non moins intéressant de suivre le cheminement de Jean Iturralde : d'ores et déjà, cette création qui témoigne d'un talent inné des vibrations chromatiques et des charges de matières drues, est portée par des incertitudes et des résistances, qui augurent bien de l'avenir. Reste à savoir qui vaincra : le peintre ou la figure ? Qui sait ?
Jeanine Rivais.
Voilà ... c'est ma
première expo en solo ! Des tableaux à moi vont
être accrochés sur les murs de la galerie Mouv'Art !
Vingt ans que je peins, d'abord avec l'enthousiasme des
débutants, l'envie de suivre les traces de Van Gogh, ses
touches emportées, ses jaunes éclatants, sa
volonté par la peinture de transcender les choses, les
paysages sombres de Hollande, la Provence aux couleurs violentes,
l'éclat du mistral et les soleils trop crus qui finissent par
avoir raison de son désir fou de fraternité et de
partage dans une communauté de peintres à laquelle il
aspirait.
Bon Terminée la génération des peintres maudits. Oublié aussi trop souvent l'homme dans la peinture C'est l'air du temps.
Cézanne le père du cubisme et surtout Picasso m'ont aussi influencé.... Bien d'autres encore et le problème est là : Comment peindre au XXI e siècle après ceux-là, après Dada, après Malévich et le suprématisme où le rien devient question... ?
J'ai
connu bien des périodes de découragement, des moments
de peinture sans grande conviction ! Je m'y remets, car je crois
toujours en la peinture de chevalet, à l'huile, aux pigments,
aux pinceaux, aux face-à-face avec la toile où rien
n'est encore dit
Installations et supports philosophiques ne
sont pas ma tasse de thé : Une tache, un trait, une coulure
sur une toile vierge appellent un autre trait
Pas de projet ni
d'intention figurative
Le tableau commence à se
composer
Je débute avec une palette restreinte mais
bientôt une couleur demande sa complémentaire
Se
méfier des formes trop faciles, mesquines ou trop
prétentieuses, qui apparaissent et qu'on ne peut plus
lâcher
Avoir le courage de tout reprendre en recouvrant,
en repoussant les formes vers le fond, même après des
jours passés dessus
Galères, galères...
Chercher, essayer encore de faire apparaître la forme entrevue,
l'harmonie colorée qui échappe sans cesse. Abstraite ou
figurative, peu importe ; l'essentiel étant la
sincérité, le refus de céder à la
facilité, car par une pirouette, un joli reflet, un cerne qui
délimite un visage non travaillé, on peut donner le
change et achever un tableau non abouti
Savoir aussi
arrêter un tableau avant de le "boucher" totalement
Savoir détecter son point d'équilibre
Le parcours est maintenant terminé. C'est décidé, je le cache pour ne pas avoir envie de le retoucher encore et encore
Des toiles vierges sont là : tout sera à nouveau possible
Jean Iturralde.