sculpteur, peintre et créatrice de masques.
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Changeant de registre au gré de
sa fantaisie, Chamoro semble aimer " autant " ses personnages peints
que ses petites sculptures ou ses masques. Il est vrai que le choix
est difficile : tous sont homomorphes, sans être
réalistes. Et ni les couleurs vives des sculptures et des
masques, ni les demi-teintes des peintures, ne sauraient faire de
différence, en raison des harmonies qui les
caractérisent.
Néanmoins, il apparaît qu'un état d'esprit distinct anime l'artiste selon qu'elle uvre sur les uns ou les autres : si les sculptures --de papier généralement ; de terre parfois-- sont immédiatement " lisibles ", les personnages peints semblent d'étranges émanations d'alliances végétales, d'entrelacs de feuilles et de branchages qui se seraient combinés à la fois pour les " montrer " et pour les " dérober " au regard, obliger le visiteur à les " trouver ", dans les arcanes de ces sortes de nids incertains ! Quant aux masques, chacun sait que, depuis l'Antiquité, ils ont été des accessoires spécifiques du " dit " des artistes. Et qu'ils ont fasciné en particulier nombre de sculpteurs. Pour ces deux raisons, et considérant l'extrême timidité et réserve de Chamoro, il ne faut pas s'étonner qu'elle ait adopté cette expression : Si les grands yeux creux ne sont guère volubiles, les bouches béantes, sont là, elles, pour " dire en ses lieu et place " ses joies et ses plaisirs parfois ; ses peurs ataviques plus souvent.
Ainsi, pour le visiteur qui explore
à tour de rôle ces trois démarches,
méditant devant les peintures plus intellectualisées,
devant les masques qui gardent leur part de mystère, il
s'avère que les sculptures sont, par excellence, le mode le
plus directement appréhendable. Le premier sentiment
éprouvé à leur égard, est d'ailleurs une
admiration inconditionnelle pour la performance technique que
représente une telle création ! Qui ne s'est un jour,
en effet, essayé à réaliser marionnettes,
masques
en papier encollé... toujours trop humides, pas
assez lisses, irréguliers... Rien de tel chez Chamoro dont les
petites créatures sont esthétiquement parfaites,
extrêmement vivantes, à la fois agissantes et statiques,
gaies, colorées, serrées comme par instinct
grégaire, multiformes et néanmoins conçues avec
une grande unité
Cette multiformité et cette
unité, jointes à leur nombre attestent des associations
nées au cours des longues heures de recherches formelles de
l'artiste, de la richesse des fantaisies
surgies de son imaginaire ! uvres de nul temps, de nulle part,
aussi ! Non pas vides de sens social, toutefois. Un peu militantes,
au contraire ! Représentantes miniaturisées des trois
ordres qui constituent le monde " vrai " : Noblesse avec ses rois
couronnés ; Clergé et ses curés ; Tiers Etat
campé résolument sur ses absences de jambes ! Porteuses
de la vie, en somme ! Chacune constituant un grand moment
d'émotion jugulée, corroborée par la vigueur que
donne à cette création la façon très drue
dont elle est présentée.
Finalement, quelle que soit leur " formulation ", peintures, sculptures ou masques, ludiques ou sérieuses, simples ou sophistiquées, les uvres de Chamoro sont, par le mélange d'éphémère et de durable qu'elles véhiculent, par leur totale adéquation entre réalité et fantasmagorie, porteuses d'un message intemporel et d'une puissante poésie.
Jeanine Rivais.