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Depuis
combien d'années Guy Bertholon donne-t-il à ses
visiteurs l'impression de faire, sur la toile, danser ses personnages
? Mettre en évidence chacun de leurs mouvements, en les
découpant finement sur des fonds totalement neutres ? Dire
avec les reculs, avancées, inclinaisons, impulsions de ses
silhouettes, ce que disent d'habitude les traits de visages ici
absents. Au point que chaque tableau, composé à partir
de trois valeurs ou couleurs (noir/gris/blanc, bleu/roux/blanc, etc.)
est à " lire " en deux temps : d'abord les couleurs "
foncées " qui génèrent d'emblée une
série de personnages debout face à face, assis
côte à côte
Puis, les " oui-mais " des
blancs qui, l'air de rien forment un monde intercalaire de petits
êtres nichés parmi les premiers, comme il fallait
naguère tourner en tous sens la feuille de
l'éphéméride, pour y " trouver la tête ".
Structures où l'homme et l'animal sont omniprésents,
mais d'où apparemment, sont exclus les végétaux.
Le tout conçu sur des ruptures d'échelles, des
mélanges de points de vue, pour accentuer le côté
narratif de ces illustrations irréalistes de la vie. Comme
s'il s'agissait, pour Guy Bertholon, de styliser ses " vivants ",
mettre en images un monde minimal, supprimer résolument toute
prolifération pour dire l'essentiel, assembler ses
saynètes pour recréer une nouvelle
réalité.
En même temps, susciter la surprise, générer
le doute : " Ai-je bien vu " tous " les personnages placés
là par le peintre ? A-t-il bien voulu exprimer ce que je crois
deviner ? Les symboles que j'y discerne y sont-ils vraiment, etc. " ?
Que dit donc, une fois saisie sa genèse, ce petit monde
formel, sobre, un peu " géographique " à force de
linéarisation ? Qu'il s'agit, paradoxalement, d'un univers
paisible. Que ces corps qui avaient l'air de danser des bacchanales
échevelées, sont en fait posés sagement en de
très
naturelles complémentarités, en des relations calmes et
harmonieuses. Que seul, le talent de l'artiste à composer ses
entrelacs et ses postures de dialogues, donne l'impression qu'ils
dansent ! Et que, lorsque Guy Bertholon intitule ses moments
picturaux " Mémoires d'enfance ", " Mémoires d'ailleurs
", il confirme le côté un peu rétro, un peu "
autre " de ses petits allochtones !
De sorte que, ce qui semblait à l'origine un florilège amusant, léger, quasi-enfantin, de figurines détourées et ajustées, prend soudain des airs de méditation grave, sensible et poétique. Mais au fait, n'est-ce pas là, la définition même de cet artiste : un peu ironique, un peu humoristique ; trompant ainsi au premier abord son interlocuteur, parce qu'au fond, grave, sensible et poétique !
Jeanine Rivais.